- Jour 01 :
Aéroport de Keflavik – Reykjavik – Islande – 15h30
Nous venons tout juste d’atterrir et de prendre possession de notre ‘camper’’, fidèle compagnon de route et de sommeil pendant ces quelques jours qui s’annoncent assez intenses autant en émotions qu’en chemin à parcourir. Demi-tour pour amorcer la bretelle sud-ouest de l’Islande, en commençant par une pointe rocheuse de Garður sur laquelle est assis un phare blanc et rouge. Les accumulations de lave qui nous entourent sont d’un gris profond et d’une texture spongieuse … Le plus surprenant étant leur quantité à perte de vue.
J’ai du mal à percuter où je suis réellement, je pense que Laure est dans le même état de flottement que moi. Le ciel semble bas, une impression sans doute provoquée par ces vastes étendues. Sur le chemin, une voiture est garée sur le bas-côté, aux abords d’un pont : une oeuvre symbolique reliant les deux continents Européens et Nord-Américains et leurs plaques tectoniques respectives. Nous parcourons les quelques kilomètres restants jusqu’à Grindavík où nous achetons de quoi manger. Les petits villages paraissent vides. Une bande d’enfants à vélo passent à côté et nous tirent la langue en riant aux éclats. Garés près de la mer, on se glisse dans nos sacs de couchage, prêts à affronter notre première nuit dans le van, sans avoir les pieds ni sur Terre, ni vraiment ailleurs.
- Jour 02 :
Le jour où j’ai atterri sur la Lune, puis sur Mars.
Le réveil sonne à 06h45, l’humidité règne dans le van. Je me retourne et ouvre les yeux, des gouttes de condensation font la course sur la carlingue de notre appareil. La nuit s’est plutôt bien passée, impossible de savoir si le Soleil s’est couché cette nuit … à voir demain. La lumière ambiante est envoûtante, à la limite du mystique. Nous partons de bonne heure pour le fameux Blue Lagoon, en espérant éviter les foules. Le ciel se lève, au bord d’une eau bleutée et laiteuse qui contraste avec la roche d’un noir profond contre laquelle elle s’écoule et serpente. De ce bain s’échappe une fumée blanche qui sent le souffre, c’est un peu désagréable mais l’inconfort est de courte durée. « Ça sent le prout non ? – Mais non ça sent l’oeuf pourri ! ». Après une douche traditionnelle des pays scandinaves (c’est à dire tout nu sans pudeur ni jugement), on s’immerge dans un lac turquoise à 40 degrés. Une heure plus tard, apaisés et la peau des plus soyeuse, l’aventure reprend le dessus. Au bon moment d’ailleurs, 3 bus de touristes américains débarquent, venus quelques heures entre 2 avions … Le revers de l’expansion du tourisme.
Le périple continue jusqu’à une étendue de roche jaune et ocre. Des flaques de boue bleutée clapotent sous nos yeux, de la fumée, et toujours cette même odeur de souffre qui s’en échappe. Des bulles se forment à la surface de ces petites flaques, résultats d’une ébullition qui se produit sous nos pieds. Nous sommes arrivés à Setùn. On s’amuse à marcher comme des explorateurs célestes, à la découverte d’une nouvelle planète dans nos combinaisons thermiques.
La route 417, petit raccourci à travers le cercle d’or, traverse un paysage composé de lave noire et de mousse d’un vert fluorescent. Le pare-brise du van se transforme alors en écran de cinéma à 180°, on avance sur cette route de graviers les yeux grands ouverts, sans dire un mot. La topographie de l’île dévoile parfois le paysage en contrebas, jouant sur l’effet de surprise et le suspens. Quelques kilomètres plus loin, nos yeux se croisent.
Puis on réalise.
Quelle claque.
- Jour 03 :
La journée des cascades
Cette journée commence par la fin du cercle d’or : la cascade Gulfoss, et les geysers Geysir. Deux beaux phénomènes de la Nature que nous observons à l’Aube tandis que l’île se réveille doucement. Jusqu’au soir aux environs de Hella, nous nous arrêtons pour admirer les cascades qui se succèdent, différentes et parsemées, petites et grandes, abandonnées ou non. Les quelques personnes qui croisent notre chemin sourient et hochent la tête à notre rencontre. Couchés au milieu des chevaux, seuls dans un refuge désert.
- Jour 04 :
[hey-ya-fiat-la-yo-cout-l]
Encore des cascades, Gluggafoss et Seljandfoss. Nous escaladons la première et passons derrière la seconde. Trempés pour la première fois du voyage, contourner ces trombes d’eau assourdissants fut une étonnante expérience. Nous avançons le long de la route circulaire afin ne pas prendre de retard. Le regard flâne entre les pics de montagnes enneigés, les moutons blancs et noirs. Skogafoss se dévoile, large cascade au bord de l’Eyjafjallajökull, qui surplombe un domaine verdoyant. Arrivés au sommet de cette chute, les paysages sont saisissants. Léger regret de ne pas pouvoir faire le trek allant jusqu’à Thorsmörk en passant par le lieu d’éruption du célèbre volcan, mais nous ne pouvons abandonner notre fidèle destrier au parking. Solheimajökull sera notre consolation, une langue de glacier à caresser du bout des doigts. La cendre tranche avec la glace, le tout semble si paisible.
Grande marche pour voir l’épave de l’avion échoué, ainsi que la plage de sable de noir de Dyrhólaey. La mer est belle et tumultueuse.
- Jour 05 :
Au pied du glacier
Après une nuit dans la ville de Vìk, départ sur la route 01, encerclée de cairns trônant au beau milieu du ‘rien’. On arrive dans un impressionnant canyon vieux de 2 millions d’années, délicatement agencé par des belvédères effleurant la flore. Nous nous enfonçons dans l’Ouest durant l’après-midi, pendant que les montagnes aux alentours disparaissent dans les nuages. Arrivés à Skaftafell, au pied de cet énorme glacier qu’est le Vatnajökull, une balade se dessine jusqu’à une nouvelle cascade enserrée dans les colonnes de basalte; au son des oiseaux qui chantent juste pour nous et du vent qui lisse les arbres.
- Jour 06 :
Interstellar
09h30 : Nous commençons cette journée par une escalade et marche sur la langue du glacier Svinafelljökull. Notre guide Arnaud est un belge à l’humour ravageur. Les crampons que nous avons aux pieds sont d’une efficacité redoutable, et briser la glace à coups de piolet est une sensation grisante … Le long de cette marche blanche apparaissent des crevasses et des moulins. Les uns sont formés par les mouvements du glacier, les autres par l’eau. Tomber dans un moulin vidé de son eau peut vous faire glisser entièrement jusque sous le glacier … Vertigineux. On croque des glaçons, d’une glace purifiée grâce aux minéraux. Au milieu de ce relief, je ressens une impression de déjà-vu. Je réalise, quelques heures plus tard, que nous foulons une planète du film Interstellar. Nous avançons, encordés, au milieu d’un desert de glace mortel pour celui qui ne regarde pas où il marche. Pour finir , traversée d’une caverne de glace d’un bleu hypnotisant, moment magique et excitant. Je me sens Tesson ou Loti, explorateur avide de découvertes.
Nous redescendons de notre nuage avec Laure, et envoyons quelques cartes postales, encore sous le feu de l’excitation. La route se poursuit jusqu’à Jökursárlón, un lagon rempli d’icebergs qui se détachent d’une langue de glace située plus haut. Batman et James Bond ont, eux, eu droit à cette partie de l’Islande. Nous entendons le clapotis de l’eau, quelques canards qui pataugent au bord, et les craquements sourds des glaciers qui se détachent parfois les uns des autres. Encore des frissons. Pour terminer cette journée, dégustation d’une bière brassée à l’eau du Vatna, et aromatisée au thym arctique. Arrivée à Höfn, belle ville portuaire pour une halte sommeil.
- Jour 07 :
« Luke, you will go to the Dagobah system »
Une bonne journée sur la route en perspective. Sur la route 01 en direction du Nord-Est, on tente un raccourci par la route 939 : assez cahoteuse mais inoubliable. Des cascades (oui oui, encore) à perte de vue et une contre-plongée sur la route que nous laissons derrière nous. Pause déjeuner à Egilsstadir, petit mini-golf, et nous partons pour un crochet à Seydisfjordur. La route qui y mène passe par une haute montagne enneigée, au même niveau que les nuages. L’enfant de 7 ans en moi se croirait sur Dagobah. Le fjord se dévoile au fur et à mesure que nous descendons dans cette enclave et les nuages laissent place à un petit village au calme et son église bleu clair. Pause café dans un bar où règne cette ambiance suédoise de ‘Hygge’.
Nous retraversons la montagne et ses boules de cotons pour filer ensuite jusqu’au lac Myvatn par une route semblable à la route 66 des USA. De la roche à perte de vue. Laure conduit vite et bien, j’alterne entre les paysages environnants et ses cheveux blonds en plein soleil. Nous finissons la journée par Hverir, portes de l’Enfer, gisements de souffre qui dégagent cette belle odeur. Les fumerolles qui sortent de la Terre sont tellement envoutantes. Nous mangeons au calme en écoutant des québécois qui analysent un film. La géothermie est une ressource bénéfique, même si chaque point d’eau chaude sent le souffre … L’odeur est volatile mais c’est tout de même difficile de se brosser les dents.
- Jour 08 :
You know nothing Jon Snow
Journée aux alentours de ce grand lac aux allures de parc naturel. Nous trouvons des grottes avec une eau stagnante qui frôle les 60 degrés, un rayon de soleil vient frapper la roche, de la vapeur s’échappe … S’en suit une randonnée parmi les pseudo-cratères et les oiseaux marins qui jouissent de cette eau si rare par ici. Après le déjeuner, on arrive au pont élancé de la ville d’Akureyri. Par hasard, nous poussons la porte d’un centre culturel pour voir les parents venir chercher leurs enfants à la fin d’un spectacle de fin d’année. Sous l’effervescence, voir des gens et les photographier est un régal. Suivant une route qui se trace au loin, de grandes vallées cohabitent avec des montagnes en pics pointus, une rivière tente de les poursuivre. Notre embarcation finit sa route dans la soirée, entre ces courbes montagneuses qui commencent à virer au rose.
- Jour 09 :
Pause
Nous devons jeter une partie des provisions qui n’ont pas supporté le chaud / froid. La prochaine fois, il faudra privilégier les petites courses. Ce matin, visite au calme des maisons en tourbe de Grumbaer, au toit ‘poilu’ comme Laure le dit si bien. De Blönduos, Hvammstangi, jusqu’à Bùrdardalur, le camper roule en croisant plus de moutons et de chevaux que d’autochtones ou de touristes. Les paysages défilent sous nos yeux, seuls témoins alentours sur une route déserte. Une journée un peu ‘off’ qui se conclut par un verre au bord de la mer, assis dans l’herbe, une chevelure blonde sur les genoux. Après tout, c’est les vacances.
- Jour 10 :
Arne Saknussemm
La péninsule du Snaefelljökull, le volcan qui a inspiré le voyage au centre de la terre de Jules Verne. Après quelques boucles, on se pose dans une jolie ville portuaire aux maisons colorées. A la terrasse d’un petit café en plein soleil sont servies des biscotti maisons faites de pistaches, chocolat, noisettes et cranberry. Encore quelques kilomètres et nous arrivons à la pointe de ce cap, balayé par les vents, formée d’une plage de sable brun et de rochers d’un noir charbon. Le bout du Monde.
- Jour 11 :
Edda & Ivar
Aujourd’hui, nous partons pour Hvanneyri pour voir Edda et son fils de 10 ans, Ivar. Edda étudiait en Suède en même temps que nous. Sur la route, on s’arrête prendre une douche et s’amuser un peu à la piscine de Bogarnes. Quelques longueurs, un bain à 37 degrés, et 3 tours de toboggan qui nous rendent hilares, on repart. Nos amis islandais sont installés dans une ancienne crèche transformée en logement. Edda nous offre une bière et une salade, et nous allons tous les quatre voir des vaches et chevaux à la ferme du coin. Ivar mène le pas, fier sur son vélo. Les langues se délient et racontent les différentes vies et pays respectifs. En plus du couvert, le gîte est gentiment proposé. On se couche, heureux de quitter notre couchage exigüe pour une nuit, et surtout d’avoir ainsi discuté des us et coutumes durant quelques heures.
- Jour 12 & 13 :
The Pizza Place With No Name
De visites architecturales à crèmes glacées, en passant par une excellente pizzeria et un peu de shopping, ces deux derniers jours à parcourir la capitale ponctuent notre folle histoire de 2 semaines. Reykjavik se construit de toute part, à la fois remplie d’histoire et en plein essor touristique, quoi de plus doux pour amorcer le retour à Paris.
2500 kilomètres au compteur, des images plein la tête et les pellicules. Une envie de tout raconter. Ces phénomènes naturels saisissants, les grandes étendues, et petits villages; mais aussi de ces « petits riens », rencontres, surprises, déceptions, et galères, qui demeureront des souvenirs forts et impérissables.